Prologue :
La nuit s’étendait sur la grande plaine, et plus elle gagnait du terrain, plus on voyait de petites lumières apparaître aux fenêtres des masures qui bordait Terrins’dell. Une ombre se faufilait avec rapidité entre les rues formées par les habitations disposées arbitrairement autours de la cité. La petite silhouette eut juste le temps de se faufiler entre les grandes portes de la ville avant que les gardes ne les referment pour la nuit. La chatte pénétra dans une ruelle pour reprendre son souffle. Elle avait courut à en perdre haleine depuis la forêt de Merinstel. Le félin était un persan au pelage noir tout ébouriffé et emmêlé par sa course folle. Elle entreprit d’y mettre de l’ordre avant de détailler son environnement. Ses grands yeux orange étaient illuminés par un éclair de malice non dénué d’intelligence. Elle se remit en marche, veillant à n’emprunter que les rues les plus peuplées. Enfin elle arriva dans une petite impasse discrète mais néanmoins charmante. Le félin y pénétra d’une démarche souple et élégante, et avança jusqu’à une lourde porte en chêne. Elle scruta les environs pour s’assurer qu’il n’y avait personne d’autre aux alentours, elle se mit à y gratter avec insistance. Bientôt un pas léger et précipité se fit entendre. L’animal souriait entre ses moustaches.
*
Cela aurait dut être une bonne journée pour Raynold. Le commerçant avait vendu plus de poteries qu’il n’en avait l’habitude en cette période de l’année, il n’avait eu aucune vision du Fléau qui approchait à grand pas, il avait même eut des rêves agréable dont il ne se rappelait absolument pas, quoiqu’il n’avait pas essayé de se le remémorer. Malgré tout cela, Raynold n’avait pas profité de cette journée, qui était sûrement une des dernières agréables avant l’hiver. Il était resté là, à vendre machinalement les riches poteries qui encombraient son magasin. Ce qui l’avait empêché de profiter de la journée était la perspective d’une visite qui aurait dut lui être rendu hier.
Ambre patte-de-velours, la Chatte millénaire, s’était annoncé à lui voila deux jours de cela. La rencontre avait eu lieu dans le Second Monde, le monde des Rêves. Elle lui disait qu’elle avait l’intention de passer chez lui, le lendemain. Raynold s’était réjouis à la perspective de revoir sa vieille amie, aussi s’était-il levé plus tôt ce jour là, guettant l’arrivé de la Chatte, et il avait attendu. D’habitude Ambre arrivait très tôt, elle se perchait sur le mur d’en face et attendait que la journée touche à sa fin. De temps en temps elle descendait se frotter aux jambes du vieil homme ou contre celle d’un enfant. Puis, quand Raynold fermait la boutique, elle le rejoignait. Ils partageaient ensemble un bon dîner, le vieil homme lui contait ses visions les plus récentes qu’ils analysaient tout les deux, tentant de trouver un moyen de freiner le Fléau, à défaut de pouvoir le stopper et, plus que tout, ils traquaient les indices annonçant la Naissance de l’Elu tant attendu. Le vieillard avait la certitude que celle-ci ne tarderait pas. Peut-être avait-elle déjà eut lieu ? Seule Ambre était en mesure de lui apporter la réponse. Mais elle n’était pas venu, ni hier, ni aujourd’hui. Raynold avait dîné seul ruminant de sombres pensées, et s’était couché l’estomac noué. Et si Ambre avait fait de mauvaise rencontre ? Et si la Chatte Millénaire n’était plus ?
Le vieillard se débattait avec une horrible vision quand un grattement familier contre sa porte le fit bondir hors du lit. Il se leva avec une incroyable agilité pour son âge, alluma une lampe à huile avec précipitation, manquant de renverser le liquide sur le sol, et se dépêcha d’aller ouvrir la porte. Un soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres quand il reconnu la silhouette élancé dans l’embrasure de la porte. Comme toujours la Chatte revêtait l’apparence d’une jeune femme aux long cheveux noirs épais et frisés, ses yeux d’ambre pétillait d’intelligence et de malice, sa peau noire aurait put lui assurer une discrétion inégalée dans l’obscurité si tout son être ne dégageait pas un charme envoûtant. Le marchand resta immobile un moment avant de la serrer dans ses bras.
« Ambre ! Je ne t’attendais plus ! Que c’est-il passé ? » Lui demanda-t-il ne cachant pas son soulagement en retrouvant la jeune femme entière et bien vivante.
« J’ai été la plus rapide possible, mais les ombres m’ont rattrapés dans la forêt de Merinstel. J’ai bien crut qu’elles allaient m’avoir. »
Raynold avait frissonné en imaginant la course de son amie contre les serviteurs du Fléau. Cela n’échappa pas à Ambre qui lui souriait gentiment pendant qu’elle le suivait à l’intérieur de la maison. Le vieux marchand s’était empressé de la faire asseoir et, pendant qu’il rassemblait de quoi faire le repas, il observait d’un œil admiratif les moindres faits et geste de la Chatte. Elle se mouvait avec grâce et rapidité, et, quand elle s’assit sur la chaise qui lui était destiné ce fut dans une posture noble, reflet du félin qu’elle était en réalité. Au bout d’un moment Raynold n’y tint plus et posa la question qui lui brûlait les lèvres.
« Alors ? L’as-tu trouvé ? »
Ambre eut une expression navrée avant de laisser éclater sa joie.
« Il est né Raynold, enfin, il est né ! »
L’homme en fit tomber le plat de charcuterie qu’il tenait jusqu’à lors. Cela faisait tellement longtemps qu’il attendait cet événement, il avait même craint ne jamais entendre ces mots, et voilas que son amie lui annonçait l’heureuse nouvelle.
« Qui est-il ? Comment se nomme-t-il ? » S’empressa de demander le vieillard.
Ambre lui fit signe d’approcher. Comprenant qu’il s’agissait là d’information trop précieuse pour être énoncées de vive voix il s’assit en face de la Chatte et tendit l’oreille. Quand elle fut sure que nul ne les écoutaient, elle chuchota :
« Il se nomme Gillden, et est le fils de dame Skyel et sir Ménéres. »
Le marchand eut un sourire satisfait, et il s’en fut nettoyer la nourriture renversée sur le sol.
« Et toi ? » questionna la Chatte « As-tu encore rêvé du Fléau ? Et… »
Elle marqua une pause avant de poursuivre sur le ton de la confidence.
« Et des actants silencieux ? J’ai interrogé Brume crocs d’aciers, mais, comme à son habitude, il ne savait rien. »
L’homme revint doucement vers la table en veillant à ne rien renversé d’un lourd plateau chargés de nourriture diverses et variées ainsi que d’une tellière en céramique. Il sut en observant la Chatte qu’elle était affamée. Elle avait sûrement dut accomplir son dernier voyage sans prendre le temps de s’alimenter. Il la laissa donc manger en silence, quand elle fut repue il reprit la parole.
« Je ne suis pas sûre. J’ai rêvée de deux êtres mais ils ne semblaient pas fiables, enfin ce rêve était très flou. Il me semble qu’il s’agissait d’un Hu et d’une elfe. »
Ambre appuya son menton dans sa main, elle-même avait longuement interrogé le monde des rêves, mais sans succès. Elle avait tout de même obtenue quelques informations du Chat gardien de ce monde qui lui avait indiquer une forte concentration d’ombres autours de Kir’linsdell. Une ville située au sud, à deux jours de marche de Terrins’del. Elle garda ses pensées pour elle, refusant catégoriquement d’emmener son vieil ami dans des dangers le dépassant. Mais Raynold la connaissait depuis suffisamment longtemps pour deviner qu’elle lui cachait quelque chose. Il lui prit la main et avec douceur et fermeté lui adressa ces paroles :
« Ambre Patte-de-Velours, accomplisseuse de prophéties, ne cachez rien à votre vieil ami. Il ne servirait à rien de me ménager maintenant, alors que mon don pourrait être des plus utile. Je suis tout autant impliqué que toi dans la réalisation de cette prophétie. Quand j’aurais rejoins la ville des Commun, au-delà du rideau de la vie, il sera trop tard. Mes visions se seront tues. A jamais. »
Il écarta une mèche de cheveux qui masquait le visage de la créature, comme à chaque fois qu’il évoquait sa mort de plus en plus proche la Chatte se renfermait, refusant de tout son être l’inévitable.
« Allons dis moi Ambre » insista-t-il sur un ton ferme mais malgré tout très doux.
« A Kir’linsdell. Ombre à parlé d’une forte concentration d’ombre là-bas. J’espère y trouver les actants silencieux. » finit par lâcher la jeune femme.
Le vieux marchand inclina la tête, signifiant à la Chatte qu’il était satisfait, puis il se leva et s’exclama d’une joie feinte, sachant pertinemment que la découverte des actants allait entraîner de bien sombres épreuve pour eux deux.
« Eh bien allons nous reposer. Kir’linsdell à un jour d’ici en calèche. Mais mieux vaut partir avec la première de la journée, et Ashli sait qu’elle passe tôt en semaine ! »
Avec un sourire il entraîna la jeune femme vers la chambre qu’il lui avait préparé. Quand la Chatte fut couchée, il se dirigea vers la volière et envoya un lettre à son fils le priant de venir s’occuper du commerce durant son absence.
*