C’était beaucoup trop fou pour être réel et pourtant, j’ai eu beau me pincer le bras à plusieurs reprises, rien ne s’est passé. J’aurais voulu me réveiller, quelque part dans un lit de l’infirmerie miraculeusement non touché, ou même en plein champ de bataille et apprendre que nous avons gagné, qu’Harry soit bel et bien vivant mais surtout, que nous soyons restés les jeunes adultes de 1998. Mais évidemment, rien de tout cela ne s’est passé. Je ne sais même pas comment le retourneur de temps a pu se passer, je l’ai actionné comme d’habitude, enfin, je crois…Il faut dire que ça remontait à pas mal d’années la fois où je m’en suis servie pour la dernière fois, mais ce n’est quand même pas cela qui l’aurait détérioré, si ? Et le pire dans tout cela c’est qu’évidemment, il n’y a pas de McGonagall à cette époque. Même si ça ne change rien à la situation dans laquelle on se trouve par ma faute, j’espère tout de même que c’est le temps qui a fini par l’emporter, et non pas cette guerre. Combien de tours est-ce que j’aurais du faire ? Ou alors, peut être que dans l’urgence de la scène, j’ai tourné le sablier dans le mauvais sens, et que cette seule erreur d’inattention nous a projeté dans le futur et non pas dans le passé, comme le veut la logique. Mais ça n’explique toujours pas pourquoi nous avons atterri aussi loin dans le temps. Deux ans, trois ans…Mais non, dix-neuf ! Il ne me semble pourtant pas avoir fait assez de tours pour arriver à une distance pareille. Et à cause de moi, le Mal semble plus puissant que jamais désormais. Dire qu’on en avait presque fini avec les Horcruxes, qu’il n’en restait plus que deux à détruire avant de venir à bout de Voldemort, il a fallu que…Qu’Harry se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, et que je m’en mêle. Mais je ne pouvais quand même pas rester sans rien faire. On ne peut quand même pas m’en vouloir indéfiniment d’avoir voulu sauver la vie de mon meilleur ami, et par la même occasion, le seul espoir de survie d’un monde Magique paisible, si ? Il doit bien y avoir un contre-sortilège, quelque chose qui puisse aider quiconque se trompe à revenir en arrière. C’est bien crée pour cela à la base, non ? Mais il ne faut pas non plus que tout se redérègle au dernier moment, et que nous revenions beaucoup trop tôt en arrière, comme en 1993 ou 94…

Aucune résistance ne semble possible, mais j’essaie quand même de me consoler comme je le peux, en me disant qu’Harry est vivant, que nous le sommes tous…Est-ce qu’une troisième guerre est à prévoir ? Tout le prédit, tout est allé tellement vite à notre époque qu’il n’y a pas de raisons pour que le climat d’instabilité et d’insécurité ne soit pas beaucoup plus rapide et violent maintenant. Il faut à tout prix trouver un moyen de se sortir de là. Oh bien sûr je n’ai pas le temps de fouiller dans de multiples encyclopédies pour essayer de trouver toutes les fonctions et propriétés d’un retourneur de temps, mais je ne pense quand même pas que c’est un objet aussi complexe que les Horcruxes. Et, nous étions presque venus à bout de ces satanés objets, alors nous ne devons pas être fatalistes en se répétant que nous sommes condamnés à être bloqués dans cet espace temps. Dumbledore avait quand même raison, lorsqu’il disait que le temps était certainement la notion la plus dangereuse, que l’on soit Sorcier ou Moldu, la preuve. Je ne sais pas comment Voldemort et ses mangemorts pourraient réagir vis-à-vis d’Harry et de ses enfants, de ma…Famille. Il n’est pas encore totalement revenu, aussi bien nous devons profiter de ce laps de temps, aussi petit soit-il, pour essayer de tout remettre en ordre. Même si je ne me reconnais pas réellement quand je me regarde dans un miroir, même si j’ai l’impression d’être une jeune femme de 18 ans emprisonnée dans le corps d’une autre de 36 ans...Si l’on doit rester ici plus longtemps que ce que nous espérons, je ne supporterais pas qu’il arrive quelque chose à Rose, à Hugo, ou même à tous mes autres neveux. Me faire appeler «maman», surtout, ça m’a troublée ; surtout quand le père de mes enfants est apparemment un certain Ronald Bilius Weasley, encore plus.

Descendant lentement les marches de ce qui apparemment nous servira de maison dans le futur (peut être qu’Harry et Ginny ont repris le Terrier ?), je me dirige vers la cuisine avant de voir un exemplaire de la Gazette du Sorcier déposé sur la table. M’approchant, je le déplie avant de voir plusieurs mangemorts en couverture, arborant chacun leur numéro, l’air plus ou moins sauvage. En titre : DESTITUTION DU MAGE NOIR ET CAPTURE DE 30 MANGEMORTS. Fronçant légèrement les sourcils, je tourne un peu le magazine et constate, qu’en plus des pages qui commencent à jaunir, la publication de ce numéro commence à dater. Est-ce que Ron l’a déjà lu ? Tirant une des chaises vers moi, je prends place et ouvre la gazette à la page concernée, avant de me mettre à la lire. Tous le méritent oui, sauf…Je fronce les sourcils en découvrant un visage un peu trop familier, figurant parmi tous ces portraits. Et déjà quelque chose qui cloche : tous étaient des assassins, des êtres ignobles cruels, même plus des humains, des créatures de guerre, tous, à quelques exceptions près, dont la photo de l’homme sur lequel mes yeux étaient posés. «Drago Malefoy, fils de Lucius et Narcissa. Déclaré coupable d’intention de crime contre le Monde Magique. Mangemort soupçonné comme futur de bras droit de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.. Envoyé à Azkaban par l’accusation lors du procès, faute de preuve aléatoire et de témoignages émanant de la défense». C’était…Injuste. Il est peut être le Malefoy arrogant et détestable, mais il ne mérite pas de pourrir dans cette prison. Son père par contre, lui. Je soupire et lâche la gazette sur la table alors qu’une vague de culpabilité m’envahit. Encore quelque chose qui est arrivé par ma faute. Fixant un moment le vide, je me lève et monte à l’étage, cherchant Ron, sauf qu’il n’y est pas. Poussant un faible gémissement de frustration, je remarque que le retourneur de temps n’est lui non plus plus posé sur la table de nuit. Il doit certainement être avec Harry…Lui laissant un mot pour ne pas qu’il s’inquiète, je prends la baguette et la range dans ma poche. Fermant les yeux, je transplane ensuite jusqu’à Azkaban, même si je me demande bien ce qui a pu me prendre, lorsque mes yeux se posent sur les lourdes portes de métal. Me dépêchant pourtant de rentrer pour échapper à la violente rafale qui souffle, je déglutis difficilement une fois dans l’entrée et murmure un ‘Lumos’, une fois entrée, baguette à la main, et me dirige vers la seule source de lumière que je vois, à travers l’obscurité.

À mon grand soulagement, je n’ai pas à arpenter beaucoup de mètres me séparant des cellules encore jusqu’à trouver…Un responsable ? Pourtant, je pensais que seuls les Détraqueurs étaient gardiens de cette prison, mais je ne vais évidemment pas me plaindre de me retrouver en tête-à-tête avec un auror, et non pas une créature qui tenterait d’aspirer mon âme à tout prix. « - Madame Weasley…La femme d’un auror ne devrait pas se trouver en des lieux pareils, vous savez ? » Pour toute réponse, je hoche lentement la tête avant de prononcer un nox pour éteindre le rayon lumineux que projetait le bout de ma baguette. « - Je souhaite voir Drago Malefoy. » J’essaie de fuir son regard pour ne pas avoir à affronter le sien, qui lui est beaucoup plus accusateur qu’autre chose. En voyant les détraqueurs comme flotter un peu plus haut au-dessus de nos têtes, un long frisson me secoue. Le froid que j’ai ressenti en entrant dans ce sinistre endroit n’est pas donc seulement du à l’idée que je m’en étais faite, mais il était bien réel. Je grimace et finalement, préfère regarder l’homme qui se tient en face de moi plutôt que ces longues silhouettes difformes et effrayantes. À mes yeux, ma dernière rencontre avec eux ne datait pas de si longtemps depuis notre infiltration au Minitère, et je ne veux surtout pas retenter cette expérience. « - Je sais ce que je fais…Et ce n’est pas réellement le genre d’endroits qui laissent les gens se mettre en danger, n’est-ce pas ? » Il hoche la tête et bredouille une phrase comme quoi il n’est pas loin et que je n’ai qu’à l’appeler assez fort pour qu’il vienne en cas de besoin. Non, je n’ai aucune idée de ce que je m’apprête à faire pour tout dire, je ne me sens pas à ma place et si je m’écoutais, je ferais un pas en avant et trois en arrière, mais ce n’est pas le moment d’agir de la sorte.

Je suis censée avoir 36 ans…Autant me conduire en tant que tel et agir tout en assumant pleinement ce que je dis ou fais encore. Inspirant profondément, je me mets en marche vers les différentes cellules, essayant de fixer devant moi et de faire la sourde oreille tout en entendant les «Sangs-de-Bourbe» acerbes et autres insultes qui fusent sur mon chemin, et que j’entends de par la bouche de certains des anciens mangemorts. Malheureusement pour moi, mes yeux s’arrêtent sur l’un d’entre eux, à l’air particulièrement dangereux et que je n’arrive pas à identifier. Avalant avec peine ma salive, je me répète de nombreuses fois que venir ici n’était sans doute qu’une très mauvaise idée et sursaute, en sentant une poigne se poser lentement sur mon bras. Mais heureusement pour moi, ce n’est qu’un auror. « - Vous venez de dépasser sa cellule. » Oh…Brillant, vraiment ! En plus de paraître déraisonnable, voilà que maintenant je dois passer pour une idiote. Pinçant mes lèvres entre elles, je me contente de pincer mes lèvres et d’hocher la tête avant de le suivre jusqu’en face de la cellule appropriée, non sans appréhension. Ce n’est pas comme si on avait toujours été amis, bien au contraire même. Seulement, j’ignore encore depuis combien de temps il est coincé ici, Azkaban détraque tellement de gens en si peu de temps, est-ce qu’il est encore capable de faire la différence entre ‘amis’ et ‘ennemis’, ou est-ce qu’il est imprévisible envers chaque personne qu’il voit ? L’observant alors qu’il tourne le dos, je lâche un petit soupir avant de me racler un peu la gorge pour manifester ma présence, même si ça ne m’étonnerait pas qu’il m’ait vue passer, comme tous les autres. Je n’ai aucune idée de ce que je vais bien trouver à lui dire, tout lui raconter d’un seul coup serait trop dangereux, et je ne veux pas vraiment qu’on m’enferme à St. Magouste pour me faire passer des tests mentaux…

J’évite de soutenir le regard mauvais qu’un autre détenu me jette aussi depuis tout à l’heure et je détourne rapidement la tête vers l’auror qui reprend la parole pour m’informer que je viens de le rater. Je commence à me dire de plus en plus que cet endroit n’est réellement pas fait pour moi, mais maintenant ce n’est pas comme si je pouvais me mettre à faire machine arrière, même si à ce moment précis, j’aurais quand même tendance à en vouloir à cette bouffée de culpabilité qui m’avait envahie. Malefoy…Si encore ça avait été Ernie ou Dean qui avait été enfermé sans raison, je pense que ma présence aurait été quand même plus justifiée que pour lui, mais à plus de 36 ans apparemment, si je ne montre pas que j’assume et que je suis sûre de mes choix, alors je ne le ferais jamais. Je toussote pour me faire remarquer, mais de toute évidence, je n’aurai pas du ; je me sens plus mal à l’aise encore –comme si c’était possible ?– alors qu’il relève les yeux vers moi. C’est un homme changé lui aussi oui, et rien qu’à son regard, j’en viendrais presque à être reconnaissante aux barreaux d’être présents. Soupirant doucement, je viens me mettre devant sa cellule. « - - C’est Weasley, maintenant. » Je déclare d’une voix aussi neutre que possible. Ce qu’on raconte d’Azkaban n’est vraiment pas exagéré, ça en est même tout le contraire. À force de récits et/ou de témoignages, je m’étais bien imaginée un endroit aussi morbide et une atmosphère aussi lourde, mais ce que je vois dépasse encore tout ce que je m’étais imaginée. C’est même à se demander, si les détenus que je vois là ont encore quelque chose d’humain en eux. Même Malefoy a énormément changé, ce n’est plus du tout celui que l’on avait sauvé de la Salle sur Demande en feu, il n’y a pas si longtemps que cela pourtant à mes yeux. Cela m’amène à me demander depuis combien de temps il peut bien être enfermé ici, mais je sais que je ne dois pas poser la question, ça réveillerait peut être des soupçons ? Je croise les bras et fronce les sourcils, en faisant abstraction de l’une de ses premières questions. S’ils ne m’ont pas encore attrapé ? J’en déduis donc que ce «ils» ne peuvent signifier que les Mangemorts et que donc, comme on le pensait, le calme et la tranquillité du Monde Magique n’était qu’une illusion pour le moment avant des actes barbares. Et encore une information supplémentaire qui ne faisait que nous presser davantage de revenir à notre époque avant que le pire ne se déroule. J’ai cherché à l’éviter dans le passé, ce serait idiot de le provoquer dans ce qu’on peut ici appeler le futur.

Je baisse un peu les yeux à ses multiples questions et sarcasmes, plus pour réfléchir à ce que je pourrais dire plutôt que pour faire la sourde oreille à tous ses sarcasmes ou à son regard qui est plus féroce que jamais, plus encore que celui qu’il arborait lorsqu’il déambulait fièrement dans les couloirs ou les cachots de Poudlard. Mais ce n’est que lorsqu’il aborde la raison de ma visite que je relève les yeux vers lui. Evidemment que je ne peux pas lui dire ce qui nous est arrivé ; mais même si son sort avait été le même à notre époque, n’aurais-je pas témoigné pour lui, en disant qu’au final, il n’a été qu’un pion et pas un meurtrier, aussi horrible pouvait-il être ? Me raclant un peu la gorge, je finis finalement par le fixer dans les yeux à mon tour, espérant peut être m’attirer un surplus d’assurance en agissant de la sorte.

- Comment s’est déroulé ton procès ? » Je demande de vive voix, avant même que je ne puisse réfléchir aux conséquences. Ça a fusé, et je me suis l’entendue le demander, comme si ça n’avait pas été moi qui venait de parler. Mais je dois bien encore en assumer les conséquences. Par Merlin, dans quoi me suis-je encore fourrée. Je ne veux pas nous attirer plus d’ennuis que nous n’en avons déjà...Par ma faute, qui plus-est. Et je ne tiens pas réellement à ce que nous soyons bloqués ici pour toujours. Harry toujours en vie, ce calme…C’est plus qu’inquiétant. Si la deuxième guerre avait été plus sanguinaire que la précédente, je n’ose même pas imaginer ce qui pourrait se passer, si par malheur une troisième venait subitement à se déclencher. Et encore, si quelqu’un découvre l’utilisation du Retourneur de Temps ce serait pire, on ne connaît pas les décrets du Ministère de cette époque, et s’ils étaient interdits, si leur usage était très sévèrement puni ? Il faut faire vite, je n’ai pas envie de me retrouver derrière ces barreaux moi non plus…Je n’ai pas répondu à sa question je le sais bien, mais j’essaie quand même d’adapter une attitude détachée, et de ne pas faire attention aux toussotements réprobateurs de l’auror derrière moi.